Don Quichotte, Médée ou l’Avare ? Pourquoi faut-il résister à l’opposition des éditeurs français au zéro embargo sur l’accès à la science

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Don Quixote tilting at a windmill
Don Quixote Attacking the Windmill (December 11, 1835). Accession number: 2014.757.5(24)

Dans un récent article, Le Monde a donné l’espace au président de l’Association française des éditeurs pour faire valoir que la suppression des embargos sur l’accès aux productions scientifiques ne serait qu’une aubaine pour les grandes entreprises technologiques américaines.

L’effort d’utiliser un lien revendiqué avec Google etc. comme moyen de dévaloriser les arguments en faveur de la réforme du droit d’auteur n’a rien de nouveau. Cependant, il exige une réponse, les ministres et hauts fonctionnaires de l’Union européenne devant se réunir d’ici la fin du mois pour approuver de nouvelles conclusions sur la communication scientifique.

Donc, compte tenu de l’orientation littéraire de l’article initial, regardons de quel livre l’article du Monde aurait pu s’inspirer.

Don Quichotte

Peut-être Cervantès a-t-il été l’inspiration, et l’Association des éditeurs français se tourne-t-elle vers les moulins à vent ? Certes, il ne semble pas logique qu’essayer de faire respecter les embargos fasse vraiment une différence pour les grandes entreprises technologiques qui ont certainement déjà les moyens d’acheter l’accès à la recherche.

Ce sont plutôt les petits acteurs – les petites universités et institutions de recherche, celles des pays disposant de moins de ressources, et bien sûr les “citizen sceintists” – qui sont exclu.e.s lorsque les embargos sont utilisés. Alors que les acteurs les plus riches peuvent payer pour surmonter cet obstacle, il est insurmontable pour les autres.

Médée

Était-ce Racine qu’ils lisaient ? Dans Médée, telle est la haine du personnage principal envers son mari, elle tue ses propres enfants.

Étant donné le consensus de plus en plus fort sur le fait que l’ouverture est inséparable du progrès scientifique, argumenter contre cela semble non seulement anachronique, mais aussi nuisible. Pour les éditeurs, s’opposer à cela, afin de contrarier des tiers qui ne sont sans doute pas particulièrement pertinents dans cet espace, est préoccupant.

S’il est certainement justifié d’agir efficacement pour garantir une réglementation appropriée des grandes entreprises technologiques, la limitation de l’accès à la science ne peut en faire partie.

L’Avare

Peut-être est-ce Molière, dont la méchanceté d’Harpagon – tant en termes d’argent que de relations avec ses enfants – est à l’origine de cette pièce ? Tout en reconnaissant l’importance d’un secteur de l’édition sceintifique qui peut recouvrir ses frais, un article récent dans The Guardian a mis en évidence un débrayage des rédacteurs en chef d’une revue en raison de leur opposition aux frais facturés par les éditeurs universitaires, ainsi que des fortes marges bénéficiaires dont ils bénéficient.

Bien que le conservatisme puisse jouer un rôle, certains éditeurs cherchent bien-sûr à s’adapter au monde de l’Accès ouvert et de la Science ouverte en achetant ou en développant des services qui soutiennent les chercheurs, en créant des entreprises qui, à bien des égards, reflètent les GAFAM dans leur capacité à collecter et à utiliser des données sur des chercheurs.

De différentes motivations peuvent être à l’origine de l’article publié dans Le Monde, mais surtout, elles doivent être reconnues pour ce qu’elles sont – une réaction contre la dynamique en faveur de l’Accès ouvert et de la Science ouverte.

Les ministres de l’UE qui se réuniront d’ici la fin du mois ne devraient pas perdre de vue le maintien et même l’accélération de cette dynamique, afin de permettre une Europe plus compétitive, collaborative et inclusive à l’avenir.

Don Quixote, Medea or the Miser? Why we should resist French publishers’ opposition to zero embargo access to science

In a recent opinion piece, Le Monde gave space to the President of the French Publishers’ Association to make the case that removing embargoes in access to scientific outputs would only be a boon to major American technology companies.

The effort to use a claimed link with Google and others as a means to undermine arguments for copyright reform is nothing new. However, it does demand a response, with European Union ministers and senior officials due to meet by the end of the month to agree new Conclusions on Scholarly Communication.

So given the literary focus of the initial piece, let’s take a look at from which book the Le Monde piece takes a leaf.

Don Quixote

Perhaps Cervantes was the inspiration, and the French Publishers Association is tilting at windmills? Certainly, it does not seem to make sense that trying to uphold embargoes is really going to make a difference for major technology companies that certainly have the means to buy access to research already.

It’s rather the smaller players – smaller universities and research institutions, those in countries with fewer resources, and of course individuals – who miss out when embargoes are used. Whereas richer players can pay to overcome this barrier, it is insurmountable for others.

Medea

Was it Racine that they were reading? In Medea, such is the hatred of the lead character towards her husband, she kills her own children.

Given the increasingly strong consensus around how inseparable openness is from scientific progress, to argue against this looks not only anachronistic, but also harmful. For publishers to be arguing against this, in order to spite third parties which are arguably irrelevant in this space, is concerning.

While there is certainly a case for effective action to ensure proper regulation of major technology companies, throttling access to science cannot be part of this.

The Miser

Maybe it was Molière, whose Harpagon’s meanness – both in terms of money and his relations with his children – who lies behind this piece? A recent piece in The Guardian highlighted a walk-out by editors of a journal due to opposition to fees charged by academic publishers, as well as the strong profit margins they enjoy.

While conservatism may play a role, of course some publishers are looking to adapt to the spread of open access and science by buying up often services that support academics, building businesses that in many ways mirror the GAFAM in their ability to gather and use data about researchers.

Different motivations may lie behind the piece published in Le Monde, but crucially, they should be recognised for what they are – a backlash against the drive towards open access and open science. EU ministers meeting later this month should not lose their focus on maintaining and even accelerating this drive, in order to enable a more competitive, collaborative and inclusive Europe in future.